I. Pedro Figari en hipertexto

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 à la culture importée", mais sans s'y soumettre non plus. Figari a consacré sa vie à défendre cette indépendance culturelle noble et exemplaire. à la culture importée", mais sans s'y soumettre non plus. Figari a consacré sa vie à défendre cette indépendance culturelle noble et exemplaire.
  
-A cette époque, certains courants de pensée ont tenté d'ébranler le pouvoir hégémonique érigé en culture internationale, peu préoccupée par la nouvelle ethnie latinoaméricaine formée d'Européens, d'Américains et d'Africains. Ces courants se sont concrétisés dans différents mouvements, comme l'école muraliste mexicaine. Figari, et après lui le constructiviste Joaquín Torres Garda en sont des exemples. En rejoignant la pensée de Figari, le poète congolais Théophile Obenka disait, en français : "Les mots sont leurs mots, mais le chant est nôtre". Dans le langage de Borges, découvrir une intonation, une syntaxe particulière, c'est avoir trouvé un destin. L'un des nombreux destins de Figari fut de concrétiser un univers pictural unique, si personnel qu'il n'eut, ni ne put avoir de successeurs. Il eut à peine quelques échos dans sa propre littérature poétique et narrative. Les correspondances possibles qu'on lui a trouvées (avec Güiraldes ou Supervielle) relèvent sans conteste du //Zeitgeist//. De même, l'esprit de son temps a entraîné dans ses compositions un agencement aussi rigoureux qu'un syllogisme. Derrière la spontanéité apparente et la liberté de ses thèmes et de sa technique, la divine proportion semble commander, dans chaque scène, la distribution des personnages et des éléments naturels. Les lignes horizontales prédominent. Ainsi dans //Jour de battage//, le ciel se découpe en bandes parallèles, u'on retrouve dans l'architecture coloniale des maisons, traversées par des lignes verticales énergiques dissimulées par les grilles, les fenêtres ou les troncs d'arbres. Elles créent des zones de tension, des atmosphères désolées et menaçantes semblables à celles de Giorgio De Chirico et d'Edward Hopper. Dans d'autres tableaux, comme //Fantaisie//, des cieux mobiles et expansifs et des ombus produisent un climat imaginaire et onirique. Parfois, Figari utilise d'interminables arabesques pour donner du mouvement à des scènes débordantes de vitalité : des couples de gauchos avec leurs compagnes, des dames dans les salons des autorités fédérales (mises en valeur par le rouge carmin cher au dictateur argentin de l'époque, Rosas) ou des //candombes//. Dans //Le Repentir//, satire grotesque aux accents populaires inimitables, il explore le domaine de l'abstraction expressionniste. Son raffinement chromatique fait dire à Georges Pillement, en 1930, qu'il "restera certainement l'un des coloristes les plus merveilleux qui soient". La palette flamboyante de Figari colore des rythmes obsédants et constants. Elle attire l'oeil sur des détails révélateurs, comme de légères expressions ou des attitudes. Pour les tableaux représentés à l'intérieur de ses tableaux, les nuances sont plus soutenues, comme si elles venaient formuler un commentaire ironique. Dans l'agencement habile des figures de chats et de chiens, elles indiquent une direction ou soulignent un mouvement qui incite immédiatement au sourire. Une analyse sémiotique visuelle des détails de Figari serait probablement très révélatrice. Il ne les multiplie pas simplement pour faire de l'humour, ni par souci formel. Il cherche au contraire à créer une+A cette époque, certains courants de pensée ont tenté d'ébranler le pouvoir hégémonique érigé en culture internationale, peu préoccupée par la nouvelle ethnie latinoaméricaine formée d'Européens, d'Américains et d'Africains. Ces courants se sont concrétisés dans différents mouvements, comme l'école muraliste mexicaine. Figari, et après lui le constructiviste Joaquín Torres Garda en sont des exemples. En rejoignant la pensée de Figari, le poète congolais Théophile Obenka disait, en français : "Les mots sont leurs mots, mais le chant est nôtre". Dans le langage de Borges, découvrir une intonation, une syntaxe particulière, c'est avoir trouvé un destin. L'un des nombreux destins de Figari fut de concrétiser un univers pictural unique, si personnel qu'il n'eut, ni ne put avoir de successeurs. Il eut à peine quelques échos dans sa propre littérature poétique et narrative. Les correspondances possibles qu'on lui a trouvées (avec Güiraldes ou Supervielle) relèvent sans conteste du //Zeitgeist//. De même, l'esprit de son temps a entraîné dans ses compositions un agencement aussi rigoureux qu'un syllogisme. Derrière la spontanéité apparente et la liberté de ses thèmes et de sa technique, la divine proportion semble commander, dans chaque scène, la distribution des personnages et des éléments naturels. Les lignes horizontales prédominent. Ainsi dans //Jour de battage//, le ciel se découpe en bandes parallèles, u'on retrouve dans l'architecture coloniale des maisons, traversées par des lignes verticales énergiques dissimulées par les grilles, les fenêtres ou les troncs d'arbres. Elles créent des zones de tension, des atmosphères désolées et menaçantes semblables à celles de Giorgio De Chirico et d'Edward Hopper. Dans d'autres tableaux, comme //Fantaisie//, des cieux mobiles et expansifs et des ombus produisent un climat imaginaire et onirique. Parfois, Figari utilise d'interminables arabesques pour donner du mouvement à des scènes débordantes de vitalité : des couples de gauchos avec leurs compagnes, des dames dans les salons des autorités fédérales (mises en valeur par le rouge carmin cher au dictateur argentin de l'époque, Rosas) ou des //candombes//. Dans //Le Repentir//, satire grotesque aux accents populaires inimitables, il explore le domaine de l'abstraction expressionniste. Son raffinement chromatique fait dire à Georges Pillement, en 1930, qu'il "restera certainement l'un des coloristes les plus merveilleux qui soient". La palette flamboyante de Figari colore des rythmes obsédants et constants. Elle attire l'oeil sur des détails révélateurs, comme de légères expressions ou des attitudes. Pour les tableaux représentés à l'intérieur de ses tableaux, les nuances sont plus soutenues, comme si elles venaient formuler un commentaire ironique. Dans l'agencement habile des figures de chats et de chiens, elles indiquent une direction ou soulignent un mouvement qui incite immédiatement au sourire. Une analyse sémiotique visuelle des détails de Figari serait probablement très révélatrice. Il ne les multiplie pas simplement pour faire de l'humour, ni par souci formel. Il cherche au contraire à créer une complicité en distribuant, comme au hasard, des signes qui attirent le spectateur et l'attrapent pour le conduire au-delà des images représentatives. Ces détails figurent sur les premiers plans, mais aussi dans les scènes de groupe. Dans //La Bataille d'Alexandre// d'Albrecht Altdorfer, un ciel tourmenté et menaçant semble se précipiter sur des armées minuscules. Figari n'a en commun avec ce peintre que l'immensité et la majesté de ses cieux. Le ciel figarien est protecteur ; il est la 
 +représentation naturelle de l'innocence des gauchos, qu'il exalte par son aspect calme et archaïque. Certains détails humoristiques se glissent dans //Au cimetière// : les personnages vont et viennent ; l'un porte le cercueil sous son bras, l'autre dépose gaiement les couronnes mortuaires sur les tombes. On remarque d'autres détails similaires dans la dynamique farfelue de la //Visite chez le gouverneur//. Le critique Jorge Romero Brest avait raison de dire que "contrairement aux peintres français 
 +auxquels on le rattachait, Figari a pratiqué un style d'humour américain. Non parce qu'il a peint des scènes représentant des Noirs, des gauchos et leur compagnes - que même son souvenir n'aurait pu lui inspirer, sans cela elles n'eussent pas été ainsi - mais parce qu'il sut les charger de l'accent mi-sarcastique, mi-sentimental, primitif et populaire qui caractérise ces peuples américains pratiquement vierges". En effet, il ne faut pas chercher la particularité de l'oeuvre de Figari dans sa représentation plaisante et, selon certains, exotique. Celle-ci n'est qu'un prétexte pour peindre de nombreuses scènes qui émanent de l'inconscient collectif d'une société. Ces images se situent en marge de l'ordre des faits circonstantiels et temporels. Au-delà des circonstances de son époque, Figari exprime la vitalité de cette société en plaçant la peinture dans un état de grâce. 
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 +                         Traduit de l'espagnol par Isabelle Gugnon