I. Pedro Figari en hipertexto

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Breve crónica de su primer conocimiento de las pinturas de Figari, en su casa en Montevideo.

Supervielle, Jules - Pedro Figari, peintre uruguayen, en France - Amérique. Revue mensuelle du Comité France Amérique, t. XVIII, año 1923, pp. 277-278.


URUGUAY

Pedro Figari, peintre uruguayen. —- Depuis quelques mois mon ami Figari, avocat uruguayen, semblait porter un secret dans la joie de ses yeux. Il ne se trouvait jamais dans son étude où j'allais souvent le voir. On allait le chercher sur quelque terrasse au bout de quatre escaliers. —- Attendez un peu, me disait-il, en venant vers moi, tendue sa large main de bûcheron. Je ne puis rien vous dire encore.

Un matin il me fit enfin monter dans une chambre verrouillée tout en haut de la maison qu'il habitait à Montevideo. J'e m'attendais à ce qu'il me montrât d'un balcon une belle vue sur le port. Il ouvrit la porte, puis une fenêtre. Dans la pièce une forte odeur de peinture. Plusieurs centaines de toiles nous entouraient. Un long silence durant lequel nos cigarettes s'éteignirent. —- Voilà à quoi je travaille depuis deux ans, me dit-il. Nul ne le sait encore que mes enfants.

Il y avait là des visions de la campagne uruguayenne, des danses creoles (gatos, pericones et tangos), des scènes dans les faubourgs et les patios. Une latente émotion, une folle allégresse de couleurs. Et aussi extraordinaires peintures de nègres, mulâtres, quarterons et octavons.

Figari avait vu autrefois à Montevideo des rois nègres d'un jour (le 6 janvier), personnages si sûrs de leur dignité qu'ils ne manquaient jamais de rendre visite à M. le Gouverneuret au Corps diplomatique. On les recevait cérémonieusemenat, avec un long sourire des yeux et des piécettes d'argent pour leurs paumes roses. Figari, qui n'a pas la phobie de l'anecdote, nous conte ces scènes, d'un pinceau tendre et narquois. Il aime l'exactitude, mais, comme dans un rêve, c'est une exactitude partiale qui ne retient que l'essentiel. Il a débarrassé ses personnages de leur ombre et des accessoires qui les accompagnaient leur vie durant.