I. Pedro Figari en hipertexto

¡Esta es una revisión vieja del documento!


Breve crónica de su primer conocimiento de las pinturas de Figari, en su casa en Montevideo.

Supervielle, Jules - Pedro Figari, peintre uruguayen, en France - Amérique. Revue mensuelle du Comité France Amérique, t. XVIII, año 1923, pp. 277-278.

Un pintor uruguayo: Pedro Figari. En Marcha, n° 296, Montevideo, 24 de agosto de 1945.

Este breve artículo de Jules Supervielle fue publicado en “La Revista de Occidente” (Madrid), en febrero de 1924. Constituye una de las primeras presentaciones de Fígari al público español.


URUGUAY

Pedro Figari, peintre uruguayen. —- Depuis quelques mois mon ami Figari, avocat uruguayen, semblait porter un secret dans la joie de ses yeux. Il ne se trouvait jamais dans son étude où j'allais souvent le voir. On allait le chercher sur quelque terrasse au bout de quatre escaliers. —- Attendez un peu, me disait-il, en venant vers moi, tendue sa large main de bûcheron. Je ne puis rien vous dire encore.

Un matin il me fit enfin monter dans une chambre verrouillée tout en haut de la maison qu'il habitait à Montevideo. J'e m'attendais à ce qu'il me montrât d'un balcon une belle vue sur le port. Il ouvrit la porte, puis une fenêtre. Dans la pièce une forte odeur de peinture. Plusieurs centaines de toiles nous entouraient. Un long silence durant lequel nos cigarettes s'éteignirent. —- Voilà à quoi je travaille depuis deux ans, me dit-il. Nul ne le sait encore que mes enfants.

Il y avait là des visions de la campagne uruguayenne, des danses creoles (gatos, pericones et tangos), des scènes dans les faubourgs et les patios. Une latente émotion, une folle allégresse de couleurs. Et aussi extraordinaires peintures de nègres, mulâtres, quarterons et octavons.

Figari avait vu autrefois à Montevideo des rois nègres d'un jour (le 6 janvier), personnages si sûrs de leur dignité qu'ils ne manquaient jamais de rendre visite à M. le Gouverneuret au Corps diplomatique. On les recevait cérémonieusemenat, avec un long sourire des yeux et des piécettes d'argent pour leurs paumes roses. Figari, qui n'a pas la phobie de l'anecdote, nous conte ces scènes, d'un pinceau tendre et narquois. Il aime l'exactitude, mais, comme dans un rêve, c'est une exactitude partiale qui ne retient que l'essentiel. Il a débarrassé ses personnages de leur ombre et des accessoires qui les accompagnaient leur vie durant.

Je compris pourquoi Figari, avocat si actif et généreux pendant plus de vingt ans, s'était peu à peu complètement désintéressé de sa clientèle ; il en possédait une autre, intime et très profonde qui ne le lâchait pas : ses souvenirs. Depuis son adolescence, ces visages de gauchos et de chinas, ces silhouettes de négres et de négresses, il les avait amoureusement retenus. Sa prodigieuse mémoire visuelle essayait de se délivrer maintenant des impressions qu'il avait dû longtemps refouler pour se livrer à une besogne imposée par une vie très difficile.

J'étais émerveillé. Jusque-là, je n'avais vu de ce peintre que des études minutieuses, assez froides. Mais les arts l'ont toujours passionné. N'a-t-il pas écrit, il y a plusieurs années, un volume de cinq cents pages sur l'esthétique et dirige, pendant quelque temps, avec la plus originale intelligence, l'Ecole des Arts-et-Métiers à Montevideo?

Voilà six ans maintenant que Figari travaille du matin au soir avec l'acharnement de celui qui cherche un trésor. Il ignore encore qu'il l'a trouvé, bien qu'on le lui dise tous les jours à Buenos-Aires et qu'il compte parmi ses amateurs le Président de la République Argentine et toutes les beautés riveraines du Rio de la Plata.

(Préface du catalogue des oeuvres du peintre.)

JULES SUPERVIELLE.